Le 12 septembre dernier, le Comité de Bâle (1) a adopté de nouvelles règles de solvabilité visant à rehausser le montant des réserves de capitaux que les banques doivent détenir pour se prémunir contre des pertes sur de mauvais crédits ou de mauvais investissements.
Bref, au total, le relèvement du ratio minimum de fonds propres des banques sera porté de 2 % à 7 %. L'accord prévoit néanmoins une longue période transitoire - prenant fin en 2019 - pour la mise en œuvre complète des nouvelles règles prudentielles.L'annonce du durcissement de la réglementation n'a pas bien été accueillie par l'industrie bancaire. Celle-ci s'est en effet empressée de brandir la menace d'un resserrement du crédit aux ménages et aux entreprises du fait du rehaussement des exigences de fonds propres.Pourtant, à notre avis, la réforme annoncée par le Comité de Bâle demeure encore insuffisante. Trois raisons principales expliquent notre position à cet égard.
Des exigences de fonds propres trop faibles
Certes, les banques pourraient s'ajuster à un tel rehaussement du ratio en réduisant leurs actifs (essentiellement en coupant sensiblement leurs lignes de crédits), ce qui aurait un impact négatif sur le financement de l’économie réelle. Les autorités de régulations pourraient néanmoins parer à ce cas de figure en imposant des restrictions sur le paiement des bonus et des dividendes, ce qui aurait pour effet d'accroître le niveau de fonds propres des banques sans engendrer simultanément une diminution de leurs prêts aux entreprises et aux ménages.
Une évaluation du risque peu fiable
En effet, selon l'approche du Comité de Bâle, le niveau de capitaux propres requis est déterminé en fonction du calcul du profil de risque des actifs de la banque (3).En d'autres mots: dans un tel système, plus les risques liés aux actifs de la banque sont sous-évalués, moins les capitaux requis pour couvrir ces risques sont importants. Et inversement.Or, les différentes méthodes autorisées actuellement par le Comité de Bâle pour calculer l'exposition des banques aux risques de crédit (4) et de marché (5) tendent très clairement à sous-évaluer ces risques, ce qui permet dès lors aux banques de mettre moins de fonds propres en réserve pour se couvrir contre les pertes, et d’en mobiliser d’autant plus pour financer leurs opérations spéculatives.Prenons, par exemple, le cas du modèle V.A.R. (Valeur-A-Risque), utilisé par les banques pour évaluer leurs risques de marché. Ce modèle – qui estime la probabilité de variation des prix des actifs et de leurs dérivés – se fonde sur l’hypothèse d’une distribution normale du risque, en accordant un poids décroissant aux événements de plus en plus anciens, « de sorte que les événements ayant eu lieu un mois ou deux mois plus tôt ont un poids négligeable » (6). Autrement dit, le modèle V.A.R. n’anticipe pas les évènements graves (i.e. une crise financière), dont la probabilité est d’autant plus faible qu’ils sont peu fréquents. Cela explique dès lors pourquoi aucun modèle de calcul des risques utilisés par les banques n’a été en mesure d’anticiper la crise financière apparue pendant l'été 2007 aux États-Unis.
Quelle méthode dès lors utiliser pour garantir une pondération adéquate des actifs des banques en fonction de leurs risques ? A notre avis : aucune.
En effet, comme le note l’économiste P. De Grauw : « les évènements improbables ne peuvent être quantifiés » (7). En effet, les bulles et les crises boursières – qui se produisent de façon chronique sur les marchés financiers – ne peuvent être anticipées et calculées dans les modèles internes d’évaluation des risques utilisés par les banques.
Par conséquent, comme le suggère M. Wolf, il conviendrait d’augmenter sensiblement les exigences de fonds propres des banques, « sans la pondération en fonction du risque » (8).
Un système bancaire parallèle non régulé
En attendant la directive européenne « CRDIV » …
1. Le comité de Bâle réunit les banquiers centraux et régulateurs du secteur.
2. WOLF, M., "Bâle a accouché d'une souris", Le Monde Economie, mardi 21 septembre 2010
3. Dans le langage technique, nous parlerons d' "actifs pondérés en fonction du risque". En anglais: "risk weighted assets" (RWAs).
4. Le risque de crédit ou risque de contrepartie est le risque que l'emprunteur (un ménage ou une entreprise) ne rembourse pas sa dette à l'échéance fixée.
5. Le risque de marché est le risque de perte qui peut résulter des fluctuations des prix des instruments financiers qui composent un portefeuille. Le risque peut porter sur le cours des actions, les taux d'intérêts, les taux de change, les cours de matières premières, etc.
6. BRUNO, Jetin, juin 2002, “L'instabilité endogène des marchés financiers internationaux”, http://www.france.attac.org/a56
7. DE GRAUWE, P., 2009, “Lessons from the banking crisis: a return to narrow banking”, CESifo DICE Report
8. WOLF, M., op. cit.
9. Le risque de liquidité concerne les placements financiers qui sont très difficile à liquider (c’est-à-dire à vendre) très rapidement.